L'espace peut être modélisé à des niveaux de complexité différents,
selon les propriétés que l'on souhaite retenir, en fonction des finalités de la
modélisation. Pour illustrer le crescendo de cette richesse, prenons l'exemple
du promeneur qui se déplace dans l'espace. La vision la plus simple de l'espace
est celle d'une surface plane et homogène. Le promeneur peut se déplacer dans
n'importe quelle direction avec la même aisance, l'éloignement à sa destination
ne sera fonction que de la distance euclidienne plane mesurée à son point de
départ. Son trajet correspondra ainsi à une ligne droite connectant ces deux
lieux, il en exprimera aussi l'éloignement. L'espace est ici décrit comme une
surface plane et isotrope. Elle est
plane car la proximité est mesurée en terme de coordonnées dans le plan de
projection ; elle est isotrope parce que les propriétés de l'espace, qui sont
absentes donc homogènes, ne varient pas en fonction de la direction. Si cette
vision de l'espace rend bien compte d'une situation dans laquelle le terrain est
plat et dépourvu d'obstacles ou d'éléments modifiant le comportement et la
trajectoire du marcheur, elle nous apparaît cependant limitée à la description
de situations réelles courantes.
Imaginons maintenant que notre
promeneur se déplace dans un terrain toujours plat, mais dont la surface est
composée d'éléments hétérogènes, tels que les différents couverts végétaux,
minéraux et aquatiques que l'on trouve dans les paysages terrestres. On constate
que l'éloignement et le trajet du marcheur seront influencés par ces éléments
dits de friction. L'espace est différencié par des propriétés spécifiques et
localisées, donc considéré comme hétérogène. Pour rendre compte de cette
situation, l'espace doit être considéré comme une surface gauche isotrope; cette dernière caractéristique
indiquant comme précédemment que ses propriétés ne sont pas directionnelles. On
réalise que dans ce contexte, la distance euclidienne plane n'est plus apte à
décrire l'éloignement entre deux points de l'espace. Il est nécessaire de faire
appel à une autre unité de mesure telle que le temps de déplacement ou la
quantité d'énergie nécessaire à ce mouvement; le concept utilisé est celui de la
distance pondérée. Pour rendre compte de
cette hétérogénéité à la surface du sol, il faut non seulement considérer les
aspects géométriques des entités qui composent l'espace, mais aussi leurs
propriétés. Un élément de la surface composé de forêt n'aura pas la même
influence sur le déplacement qu'une entité marécageuse.
Considérons
ensuite ce promeneur se déplaçant dans un terrain accidenté. Aux effets de
friction du couvert de la surface viennent s'ajouter ceux de la topographie. On
imagine aisément que l'expression de l'éloignement entre deux lieux sera
différente suivant le sens de la pente empruntée par le promeneur. La
topographie agit comme une force gravitaire, fonction de la pente, qui influence
sa démarche et certainement aussi sa trajectoire. A cette force est attachée une
notion de direction, avec un contenu d'orientation, exprimant le sens du
déplacement. Cette vision de l'espace comme une surface
gauche anisotrope, permet aussi de rendre compte de l'influence
d'autres phénomènes sur le comportement de notre promeneur, telle que celle du
vent agissant comme un accélérateur ou un frein, ou de tout autre force
extérieure pourvue d'une direction et d'une orientation.